Personnes séparées, divorcées : Accueillir, Accompagner, discerner.
La situation
Dans nos sociétés occidentales, le divorce a pris une grande ampleur, près d’un mariage sur deux se conclut par une séparation ou un divorce. Les conséquences sont immenses : augmentation de la pauvreté, difficultés de logement, grand désarroi des personnes, répercussions sur les enfants… Les couples chrétiens ne sont pas épargnés et beaucoup après un divorce sont désemparés.
1 – Pourquoi accompagner
Face aux accidents de la vie (route, travail, infarctus, AVC) notre société s’est organisée pour intervenir rapidement, soulager, accompagner. Pour les accidents de la vie d’un couple, il y a encore peu de bons Samaritains pour s’arrêter et proposer de l’aide.
- Le divorce est toujours une souffrance
Toutes les personnes qui s’approchent pour la première fois des divorcés sont frappées par la souffrance qu’ils endurent et la profondeur des blessures qui découlent du divorce.
1.2 – Un fort sentiment d’échec et de culpabilité
Un divorce est toujours un tremblement de terre dont il est difficile de sortir indemne. La prise de conscience de l’échec envahit les personnes, affecte leur goût de vivre. Un fort sentiment de culpabilité ronge le cœur de beaucoup qui leur fait perdre confiance en eux-mêmes et dans les autres. Certains peuvent avoir le sentiment que leur vie est finie !
1.3 – Le sentiment d’être exclu
Les conséquences sociales du divorce (perte de relations, d’amis, parfois rupture avec la famille) et la froideur de nos communautés à leur égard font que les personnes divorcées ont souvent le sentiment d’être exclues ou d’être jugées. La peur du regard des autres, de leurs questions, conduisent souvent les divorcés à se “cacher“ de sorte qu’il est difficile de les rejoindre.
2 – Qu’ont dit les pères du synode et le pape François, dans Amoris Laetitia ?
« Un discernement particulier est indispensable pour accompagner pastoralement les personnes séparées, divorcées ou abandonnées. La souffrance de ceux qui ont subi injustement la séparation, le divorce ou l’abandon doit être accueillie et mise en valeur, de même que la souffrance de ceux qui ont été contraints de rompre la vie commune » [AL242]
Ces situations « exigent aussi [que ces divorcés bénéficient] d’un discernement attentif et [qu’ils soient] accompagnés avec beaucoup de respect, en évitant tout langage et toute attitude qui fassent peser sur eux un sentiment de discrimination… » [AL243]
« L’Eglise doit accompagner d’une manière attentionnée ses fils les plus fragiles, marqués par un amour blessé et égaré, en leur redonnant confiance et espérance, comme la lumière du phare d’un port ou celle d’un flambeau placé au milieu des gens pour éclairer ceux qui ont perdu leur chemin ou qui se trouvent au beau milieu de la tempête. » [AL291]
3 – Accompagner sur un chemin de reconstruction
Après un divorce, le risque est d’emprunter des chemins qui se révèleront être des impasses :
Relativiser ou même nier l’évènement et ce qui en découle ; « on était d’accord, tout va bien, on a fait ça à l’amiable » ou faire comme si tout allait s’arranger, rentrer dans l’ordre. Il ou elle va revenir…
Essayer d’oublier en se créant une vie trépidante.
Cacher le mal au fond de soi et refaire sa vie à tout prix rapidement.
3.1 – Un long chemin de reconstruction
Pour se reconstruire après un divorce, il faut accepter de refaire pas à pas le chemin qui a conduit au divorce : « accepter de refaire consciencieusement le chemin de son malheur ! »1 C’est ce chemin-là qui se révélera être un chemin de vie. Mais ce chemin est un long chemin qui comporte des étapes nécessaires et c’est un chemin qu’on ne peut pas faire seul.
3.2 – Un chemin que l’on ne peut pas faire seul
Il faut oser rejoindre d’autres divorcés dans un groupe pour ouvrir l’avenir avec eux. C’est un groupe où les personnes séparées ou divorcées seront accueillies sans jugement, où elles pourront dire et redire leur souffrance, leur colère y compris contre l’Église, mais aussi écouter les autres participants dans leur histoire différentes, exprimer leur désir de vivre.
3.3 – Offrir un lieu de parole et d’écoute
Il est important de proposer ces lieux où pourra renaitre suffisamment de confiance pour que la personne accepte de se raconter. L’important lorsqu’une personne rejoint un groupe est de lui permettre de parler de son histoire, de la manière dont elle a vécu les évènements. Il lui faudra peut-être plusieurs rencontres avant qu’elle commence à se raconter, l’important est que ce soit elle qui parle, car c’est elle qui a vécu les évènements.
3.4 – Ni psychologues, ni thérapeutes.
La participation à un groupe de reconstruction ne peut pas être occasionnelle, elle doit être un engagement dans le temps à cheminer avec le groupe. Tous les membres du groupe bénéficient de la présence des autres, et chacun aide les autres sur leur propre chemin, il est donc important que tous soient présents.
Dans ces groupes il faut proposer des points de repères (voir ci-dessous) tels des cairns sur un sentier de montagne, ils vont aider à avancer sur ce chemin difficile de la reconstruction. Ce ne sera pas un accompagnement psychologique ou une thérapie de groupe, mais simplement un partage dans l’écoute attentive de chacun sur le thème proposé pour la rencontre.
3.5 – Proposer le Parole de Dieu
Les rencontres seront aussi l’occasion de se laisser interpeler par la parole de Dieu. La Parole de Dieu c’est là toute notre richesse, il faut la proposer à chaque rencontre. « La Parole s’adresse à la fois à notre intelligence mais aussi à notre cœur. Elle ouvre à un au-delà, elle met en mouvement, elle devient une force de guérison »1. Il ne faut pas seulement la lire ensemble, mais il faut qu’elle soit proposée comme les paroles de Jésus à Cléophas et son ami sur le chemin d’Emmaüs, Elle sera proposée comme permettant d’apprendre à relire sa vie autrement que sous l’angle de la désillusion et de l’échec. Elle aide à apprendre à dépasser sa souffrance.
4 – Discerner
Tout au long de ce parcours fait en équipe, éclairé par la Parole de Dieu, chacun pourra percevoir et hiérarchiser tous les éléments qui ont conduit à son divorce. Juger de l’esprit qui les a inspirés et faire les distinctions nécessaires de telle sorte à faire la vérité et à trouver les actions à mettre en œuvre pour choisir, pour son bonheur, ce qui est bien et ainsi ouvrir un avenir de paix et de vérité. C’est le discernement personnel auquel le pape François attache tant d’importance. Il n’y a que la personne divorcée elle-même qui peut faire ces choix, guidée par sa conscience. Le cheminement avec le groupe et le partage de la Bonne Nouvelle sont là pour l’éclairer mais il ne faut pas se substituer à elle. Le pape François le rappelle : « Il nous en coûte de laisser de la place à la conscience des fidèles qui souvent répondent de leur mieux à l’Evangile avec leurs limites et peuvent exercer leur propre discernement…Nous sommes appelés à éclairer les consciences, mais non à nous substituer à elles » [AL37].
5 – Intégrer
L’expérience de l’accompagnement de personnes séparées ou divorcées nous a montré que beaucoup ont “tenu le coup“ dans la tourmente de leur vie grâce à leur foi. Le divorce n’a pas été pour elles une rupture avec le Seigneur, mais au contraire, le Seigneur a souvent été pour elles la petite lumière qui a continué à briller sur leur chemin de malheur. La rupture par contre s’est souvent faite avec l’Église où les divorcés se sont sentis mal accueillis ou rejetés, au mieux ignorés. Être accueillis, écoutés et accompagnés dans un groupe d’Église leur permet de prendre conscience que la Miséricorde de Dieu s’exprime aussi pour eux dans notre Église, qu’elle les accueille, qu’ils y ont leur place et que “ l’Esprit-Saint déverse en eux des dons et des charismes pour le bien de tous“ [AL299]. Le groupe sera alors un lieu de réconciliation véritable avec l’Église. Ils pourront ainsi pour certain prendre place dans la communauté ou reprendre la place qu’ils avaient quittée, pour d’autres continuer leur service dans leur paroisse en n’ayant plus peur de se dire divorcés.
6 – Rejoindre les personnes séparées ou divorcées.
On l’a dit plus haut, les personnes divorcées ont souvent le sentiment d’être à l’écart et elles se “retirent“, elles s’auto excluent. Il est donc inutile d’attendre qu’elles viennent frapper à la porte de nos paroisses, il est impératif d’aller les rejoindre comme Jésus a rejoint les disciples d’Emmaüs sur leur route de déception. Mais nous ne sommes pas le Christ et la tâche n’est pas simple. Il n’y a pas de recette miracle et il faut être imaginatif tout en s’appuyant sur des initiatives mises en œuvre dans diverses paroisses, divers diocèses qui ont permis de lancer des groupes d’accueil et d’accompagnement.
Nous pouvons citer pêle-mêle : la création d’une antenne divorcés – la création de permanence d’accueil – l’organisation d’une journée conviviale pour les divorcés – Une journée de réflexion dans un lieu un peu “hors du temps“ tel une abbaye pour une journée de rentrée en Septembre….
Penser aussi aux panneaux d’affichage de nos églises. Beaucoup de divorcés ont pris de la distance avec l’Église, mais ils continuent souvent à fréquenter nos églises pour s’y retrouver “en tête à tête“ avec le Seigneur. Une affiche, des tracts simples les invitants à ne pas rester seuls, avec le n° de téléphone d’un contact possible leur montrera qu’ils ne sont pas indifférents à la communauté, qu’ils ne sont pas “invisibles“, mais au contraire qu’ils sont attendus.
7 – La formation des animateurs
Il ne s’agit pas de recruter des psychologues ou des thérapeutes diplômés, on l’a déjà dit. Il faut s’appuyer sur des personnes ayant elles-mêmes connu la détresse d’un divorce ou qui l’ont côtoyée au plus près dans leur famille ou leurs amis proches, ils seront ainsi à même de comprendre ce que vivent les divorcés. Dans les groupes, l’important n’est pas de prendre la parole, c’est de savoir écouter ; une formation à l’écoute sera donc utile (il en existe dans tous les diocèses et le CLER Amour & Famille en propose). L’accompagnement du groupe par un prêtre ou un diacre s’avèrera utile pour proposer la Parole de Dieu au cœur des personnes divorcées, mais il y a aussi de plus en plus de laïcs bien formés qui en sont tout aussi capables. Enfin pour une démarche de formation plus poussée pour un groupes d’accompagnateurs déjà engagés auprès de leurs frères divorcés, des mouvements ou association telles que “La Mission de France“ ou “Chrétiens Divorcés Chemins d’Espérance“ peuvent aider les diocèses.
8 – Une démarche diocésaine
L’idéal est d’inscrire cette volonté d’accueil et d’accompagnement des personnes séparées ou divorcées dans une démarche diocésaine au sein de la Pastorale des Familles par exemple. Cela permettra de rendre plus visible la démarche et aux accompagnateurs de ne pas se sentir isolés, de bénéficier d’un accompagnement et des formations diocésaines, mais aussi de faire bénéficier les autres mouvements de la Pastorale des Familles du diocèse de toutes les richesses échangées lors des rencontres des groupes de divorcés. Une collaboration emprunte de confiance entre les mouvements permettra un enrichissement de tous.
9 – Changer le regard de nos communautés
Il nous parait important que nos communautés paroissiales changent le regard qu’elles portent sur les personnes divorcées, qu’elles passent de la méfiance à l’accueil bienveillant. De même qu’il existe le plus souvent des antennes du Secours Catholique dans les paroisses, il pourrait y avoir un petit groupe qui s’enquièrent des divorcés, les accueillent chaleureusement au nom de la communauté, les informent de ce qui se fait et les orientent vers le groupe d’accompagnement le plus proche. Ce serait là un bel exemple d’une “Diaconie“ véritablement agissante.
10 – Et après ?
Certaines personnes feront le choix de ne pas se remarier et témoigneront ainsi de la fidélité conjugale. Ce peut être un choix difficile que l’Église doit accompagner voir [AL242]. D’autres, après avoir retrouvé confiance en eux et dans les autres s’engageront dans une nouvelle union. Le chemin de reconstruction proposé dans ces pages est un préambule important pour vivre, en vérité, un temps de prière à l’occasion du remariage civil. Ils pourront aussi souhaiter pouvoir s’approcher à nouveau des sacrements de l’Eglise, le chemin proposé s’apparente par bien des aspects au chemin de discernement nécessaire pour entrer dans une démarche d’accès aux sacrements. Voir [AL300]. Cet accès aux sacrements sera pour eux une étape dans l’intégration pleine et entière à la vie de l’Eglise.
ANNEXE 1 – Des points de repères sur le chemin de reconstruction
Les thèmes proposés ci-dessous sont extraits du livre “Accueillir les divorcés“ de Guy de Lachaux aux éditions de l’atelier. Ils sont le fruit de l’expérience d’animation de nombreux groupes de divorcés.·
- Choisir la vie
- Exprimer sa souffrance et l’apprivoiser
- Changer son regard
- Vivre ses émotions
- Habiter ses relations
- Apprendre à s’aimer
- Se sentir coupable
- Lâcher prise
- Toujours parents
- Se découvrir autre
- Pardonner, se pardonner.
Pour chacun de ces thèmes, ces points de repères sur le chemin, on trouvera dans le livre, des fiches pratiques en cinq parties : Situation du thème – Présentation du thème – Questions pour échanger – Textes de l’écriture – Pour aller plus loin.
Ces fiches sont destinées à être adaptées selon le cheminement de chaque groupe.
ANNEXE 2 – Autres ressources disponibles pour préparer les étapes d’un chemin de reconstruction
Depuis de nombreuses année l’Association “Chrétiens Divorcés Chemins d’Espérance“ publie des revues sur des thèmes pouvant aider les personnes divorcées. La plupart de ces revues sont encore disponibles et peuvent aider les animateurs de groupes. La liste des thèmes des revues peut être consultée sur le site de l’association : www.chretiensdivorces.org Les revues sont à commander sur : cdce@chretiensdivorces.org
Note 1 Guy de Lachaux dans “Accueillir les divorcés l’Évangile nous presse“ Editions de l’Atelier