Texte des évêques de Malte

texte des évêques de Malte

CRITERES POUR L’APPLICATION DU CHAPITRE VIII

D’AMORIS LÆTITIA janvier 2017

Lettre de Mgr Charles J. Scicluna Archevêque de Malte et Mgr

Mario Grech Evêque de Gozo au presbyterium

Texte original : anglais 

Traduction : Christian Mignonat – Equipes Reliance

 

Chers frères prêtres,

 

Comme l’étoile qui a guidé les Mages vers leur rencontre avec

Jésus, L’Exhortation Apostolique La joie de l’Amour illumine nos familles sur leur route vers Jésus comme ses disciples. Ce message est aussi pertinent pour les couples et les familles qui se trouvent dans des situations complexes, spécialement celles qui concernent des personnes séparées  ou divorcées engagées dans une nouvelle union. Bien qu’elles puissent avoir « perdu » leur premier mariage, certaines de ces personnes n’ont pas « perdu » leur espérance en Jésus. Certaines désirent sincèrement vivre en harmonie avec Dieu et avec l’Eglise, tellement qu’elles nous demandent ce qu’elles peuvent faire de façon à pouvoir célébrer les sacrements de Réconciliation et d’Eucharistie. Semblables aux Mages  qui prennent un autre chemin en rentrant chez eux après leur rencontre avec Jésus (Mt 2, 12), ces personnes – parfois après un chemin éprouvant et difficile – sont capables de rencontrer le Christ qui leur offre un avenir même quand il leur est impossible de suivre la même route qu’auparavant. Grâce à un accompagnement et un honnête discernement, Dieu est capable d’ouvrir de nouvelles routes pour ces personnes, même si leur chemin précédent peut avoir été « obscur », marqués par des erreurs passées ou de tristes expériences de trahison et d’abandon. Dans leur rencontre avec le Christ et avec Son Eglise, ces personnes trouvent une « lumière » qui illumine leur vie actuelle et les encourage à revenir vers Dieu avec foi et courage.

 

En conséquence, en conformité avec les orientations données par le pape François, nous, évêques de Malte et Gozo, nous offrons ces directives aux prêtres de  nos diocèses, de manière à accompagner ces personnes dans un « discernement responsable personnel et pastoral » vers une conscience de leur situation vécue à la lumière de Jésus (AL 300).  IL est important que ces directives soient lues à la lumière des références suivantes:

  1. D’abord, nous devons toujours garder à l’esprit que notre ministère pastoral vis-à-vis des personnes qui vivent dans des situations familiales complexes, est le ministère même de l’Eglise qui est Mère et Enseignante. Comme prêtres, nous avons le devoir d’éclairer les consciences en proclamant le Christ et l’idéal complet de l’Evangile. En même temps , dans les pas du Christ lui-même, nous avons le devoir d’exercer « l’art de l’accompagnement »  et de devenir source de foi, d’espérance  et d’intégration pour ceux qui demandent à voir Jésus (Jn 12, 21), spécialement pour ces personnes qui sont les plus fragiles (AL, 291, 296, 308, EG 169). Dans le cas de couples avec des enfants, cette intégration est nécessaire non seulement pour le couple mais aussi pour «  le soin et l’éducation chrétienne de leur enfants qui devraient être considérés comme les plus importants » (AL 299, et aussi AL, 245-246).
  2. Quand nous rencontrons ou venons à être au courant de personnes qui se trouvent dans ces situations « dites irrégulières », nous devons nous mobiliser pour entrer en dialogue avec elles pour faire leur connaissance dans un esprit de charité authentique. Si, en conséquence elles montrent un désir véritable ou acceptent de s’engager dans un processus sérieux de discernement personnel au sujet de leur situation, nous devrions les accompagner volontiers sur ce chemin, avec vrais respect, soin et attention. Ils « devraient se sentir partie prenante de l’Eglise. “Ils ne sont pas excommuniés”  et ne devraient pas être traités comme tels car ils restent membres de la communauté ecclésiale » (AL 243). A travers ce processus, notre rôle n’est pas simplement d’accorder la permission à ces personnes de recevoir les sacrements  ou de leur offrir des « recettes faciles » (AL 298), ou de nous substituer à leur conscience. Notre rôle est de les aider patiemment  à former et éclairer leur propre conscience, de façon  qu’ils puissent être eux-mêmes capables  de prendre une honnête décision devant Dieu et d’agir en conséquence pour le plus grand bien possible (AL 37).
  3. Avant de traiter de la pastorale de ces disciples du Seigneur qui sont passés par l’expérience de l’échec de leur mariage et vivent maintenant  une nouvelle relation, nous aimerions aborder la situation de ceux qui cohabitent ou qui sont seulement mariés civilement. Ces situations appellent un « soin pastoral de miséricorde et d’aide » (AL 293) et « demande une réponse constructive en recherche qui les transforme en opportunités les conduisant vers la pleine réalité du mariage et de la famille en conformité avec l’Evangile » (AL 294). Dans le discernement pastoral  il est important de distinguer entre une situation et une autre. Dans certains cas, « le choix du mariage civil ou, dans de nombreux cas, d’une simple cohabitation, n’est souvent pas motivé par dénigrement ou résistance à une union sacramentelle, mais par des situations culturelles ou contingentes » (AL 294) et, ainsi, le degré de responsabilité morale n’est pas le même dans tous les cas. « Souvenons nous qu’un petit pas au milieu de grandes limites humaines peut plaire plus à Dieu qu’une vie qui apparaît de l’extérieur en ordre, mais se déroule au quotidien sans être confrontée à de grandes difficultés » (AL 305, EG 45).
  4. Nous traitons maintenant de notre ministère avec les personnes soit séparées soit divorcées, qui sont engagées dans une nouvelle union. Si durant le processus de discernement avec ces personnes un doute raisonnable apparaît quant à la validité ou la consommation de leur mariage canonique, nous devrions leur proposer de faire une demande en reconnaissance de nullité ou de dissolution du lien matrimonial.
  5. A travers ce discernement, une distinction adéquate devrait être faite entre une situation et une autre, parce que tous les cas ne sont pas les mêmes. « Une chose est une seconde union consolidée dans le temps, avec de nouveaux enfants, une fidélité prouvée, un don de soi généreux, des engagements chrétiens, une conscience de son irrégularité et de la grande difficulté de revenir en arrière sans le sentiment en conscience que l’on va tomber dans de nouveaux péchés. L’Eglise reconnaît ces situations « où pour de sérieuses raisons, telles que l’éducation des enfants, un homme et une femme ne peuvent satisfaire à l’obligation de se séparer. » IL y a aussi les cas de ceux qui ont fait tous les efforts pour sauver leur premier mariage et ont été injustement abandonnés, ou de ceux qui se sont engagés dans une seconde union dans le souci de l’éducation des enfants, et qui sont quelquefois subjectivement certains en conscience que leur mariage précédent irrémédiablement détruit n’a jamais été valide. » Autre chose est « une nouvelle union suite à un divorce récent, avec toute la souffrance et la confusion qui impacte les enfants et toute la famille, ou le cas de celui qui a systématiquement failli dans ses obligations familiales. Il doit rester clair que cela n’est pas l’idéal que propose l’Evangile pour le mariage et la famille » (AL 298).
  6. Il serait approprié qu’à travers ce processus de discernement, nous accompagnions ces personnes à faire un « examen de conscience dans des moments de réflexion et de repentir », au cours desquels ils « se demanderaient comme ils ont agi vis-àvis de leur enfants quand l’union conjugale est entrée en crise ; s’ils ont fait ou non des tentatives de réconciliation ; ce qu’il est advenu du conjoint abandonné ;quelles conséquences la nouvelle relation a sur le reste de la famille et de la communauté des fidèles; et quel exemple peut être donné aux jeunes se préparant au mariage » (AL 300). Ceci s’applique de manière particulière aux cas où la personne reconnaît sa propre responsabilité dans l’échec du mariage.
  7. Au long du processus de discernement, nous devons évaluer la responsabilité morale des situations particulières, en considérant les contraintes de conditionnement et les circonstances atténuantes. En fait, « il existe des facteurs qui limitent la capacité de prendre une décision, » (AL 301) ou  même diminuent l’imputabilité ou la responsabilité d’une action. Ceci incluse l’ignorance, l’inadvertance, la violence, la crainte, l’immaturité affective, la  persistance de certaines habitudes, l’anxiété chronique, des attachements excessifs, et autres facteurs psychologiques et sociaux (AL 302; CCC 1735, 2352). Comme résultat de ces contraintes de conditionnement et circonstances atténuantes, le pape enseigne que « il n’est plus possible de dire que tous ceux qui se trouvent dans une certaine situation dite ‘‘irrégulière’’ vivent dans une situation de péché mortel, privés de la grâce sanctifiante » (AL 301). « Il est possible que, dans une situation objective de péché – qui n’est pas subjectivement imputable ou qui ne l’est pas pleinement – l’on puisse vivre dans la grâce de Dieu, qu’on puisse aimer, et qu’on puisse également grandir dans la vie de la grâce et dans la charité, en recevant à cet effet l’aide de l’Église » (AL 305). Ce discernement acquiert une importance significative puisque, comme l’enseigne le pape, dans certains cas cette aide comprend l’aide des sacrements (AL, note 351).
  8. « En croyant que tout est blanc ou noir, nous fermons parfois le chemin de la grâce et de la croissance, et nous décourageons des cheminements de sanctifications qui rendent gloire à Dieu » (AL 305). Ceci appelle à une plus prudente instruction selon la

loi de gradualité (AL 295) de manière à  discerner la présence, la grâce et l’œuvre de dieu en toutes situations, et à aider les gens à s’approcher plus près de Dieu, même quand ils ne sont « dans des conditions ni de comprendre, ni de valoriser ni d’observer pleinement les exigences objectives de la loi » (AL 295).

  1. A travers le processus de discernement nous devrions examiner aussi la possibilité de la continence conjugale. Malgré le fait que cet idéal ne soit pas du tout facile, il peut y avoir des couples qui, avec l’aide de la grâce, puissent pratiquer cette vertu sans mettre en risque d’autres aspects de leur vie commune. D’autre part, il y a des situations complexes où le choix de vivre « en frères et sœurs » devient humainement impossible et provoque de plus grands maux (AL, note 329).
  2. Si, comme résultat du processus de discernement, mené avec « humilité, discrétion et amour de l’Eglise et de son enseignement, dans un recherche sincère de la volonté de Dieu et le désir de lui faire une réponse plus parfaite » (AL 300), une personne séparée ou divorcée qui vit une nouvelle relation réussit, avec une conscience formée et éclairée, à reconnaître et à croire qu’elle est en paix avec Dieu, elle ne peut pas être exclue de la participation aux sacrements de Réconciliation et de l’Eucharistie (AL, notes 336 et 351).
  3. Durant ce processus de discernement, nous devrions examiner avec ces personnes comment « leur participation peut s’exprimer dans les différents services ecclésiaux », particulièrement dans les « cadres liturgique, pastoral, d’éducation et institutionnel » (AL 299). On ne devrait pas exclure que ces personnes soient considérées convenable pour être parrain/marraine. D’autre part, « si quelqu’un fait ostentation d’un péché objectif comme si cela faisait partie de l’idéal chrétien, ou veut imposer quelque chose qui soit autre que ce que l’Eglise enseigne, il ne peut en aucun cas prétendre à enseigner ou prêcher les autres ». Il de prêcher à frais nouveau « la proclamation du message évangélique et de son appel à la conversion ». De plus, il pourrait aussi y avoir des manières où la personne participe à la vie de la communauté, par exemple dans  le domaine social, les groupes de prière, ou comme suggéré à son initiative personnelle, mais avec notre discernement (AL 297)

 

  1. Sur ce chemin d’accompagnement, nous devons écouter et valoriser la souffrance des personnes qui sont les victimes innocentes de la séparation, du divorce ou de l’abandon. Des conditions de pauvreté rendent cette souffrance encore plus blessante. Pardonner une injustice imposée et supportée est très loin d’être facile, mais la grâce peut rendre ce chemin possible (AL 242).
  2. En exerçant notre ministère, nous devons être attentifs à éviter de tomber dans les extrêmes: soit dans la rigueur extrême, soit dans le laxisme. Ce processus devrait être une invitation à endosser certaines attitudes, telles que la charité pastorale, l’honnêteté, la discrétion, une conversion permanente, et l’amour de l’Eglise et de son enseignement (AL 267, 300), une attention à ce que Dieu a fait « depuis le commencement » (AL 61-66); une humilité de manière retirer nos sandales devant la terre sacré de l’autre (Ex 3, 5; EG 169); le souhait sincère de découvrir la volonté de Dieu, et d’être capable de porter le parfum de la présence du Christ et son propre regard (EG 169).
  3. De façon à éviter toute cause de scandale ou de confusion parmi les fidèles (AL 299), nous devons faire du mieux possible pour nous former nous-mêmes et nos communautés en étudiant et en promouvant les enseignements d’Amoris Lætitia. Cet enseignement exige que nous entreprenions une « conversion pastorale » (EG 25). Ensemble avec le pape, nous comprenons bien ceux qui auraient préféré une « pastorale plus rigoureuse », mais ensemble avec lui, nous croyons que

« Jésus Christ veut une Église attentive au bien que l’Esprit répand au milieu de la fragilité : une Mère qui, en même temps qu’elle exprime clairement son enseignement objectif, « ne renonce pas au bien possible, même si elle court le risque de se salir avec la boue de la route » (AL 308). Nous prions Dieu, avec l’intercession de la Sainte Famille de Nazareth, qu’à travers ses prêtres, l’Eglise de Malte et de Gozo puisse vraiment une messagère  qui aide les chrétiens d’aujourd’hui  à s’ouvrir à la voix de Dieu dans leur conscience et, ainsi, voir le nouveau chemin qui s’ouvre devant eux, conduisant de l’obscurité à la lumière.

 

8 janvier 2017, Solennité de l’Epiphanie du Seigneur.

Charles J. Scicluna Archevêque de Malte  Mario Grech Evêque de Gozo