Mgr Lebrun évêque de Rouen

Rouen, lettre 8 septembre 2016

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Chers amis,
Les situations familiales sont diverses : célibat, vie en couple, mariage civil et religieux, avec ou sans enfants, veuvage, séparation, divorce, nouvelle union, remariage. Chacune est vécue très différemment par ses membres.
En fait, ces « situations » sont des itinéraires : Chaque chrétien est en chemin.
Evêque du diocèse de Rouen, je m’adresse à vous, mariés devant Dieu dans le sacrement de mariage, aujourd’hui séparés, divorcés, peut-être remariés ou vivant une nouvelle union. Votre chemin n’est plus celui de la vie commune promise et espérée à votre mariage. Je sais que beaucoup ont l’impression d’être rejetés de la communauté, d’être condamnés.
Votre route est à la fois personnelle et liée à d’autres. Quoi qu’il en soit, baptisés, vous faites partie de la communauté catholique. Comme moi, vous êtes en chemin, un chemin éclairé par l’amour de Dieu, par votre foi en Jésus mais aussi un chemin avec des obstacles, des blessures, des fragilités.
Je viens vous demander pardon : L’échec de votre mariage est devenu l’échec d’une vie, peut-être à cause de regards portés sur vous ou d’attitudes envers vous. En fait, votre divorce est une épreuve dans une vie tissée par l’amour qui a tant de visages et d’expressions.
Je vous demande pardon : L’indissolubilité de votre mariage est devenue un fardeau que vous portez comme une condamnation. C’était pour vous un chemin de liberté, d’amour, de miséricorde, et cela doit le demeurer pour tous.
Je vous demande pardon : le rappel de la loi vous atteint comme des pierres que Jésus a refusé de jeter sur la femme adultère. La loi est pourtant un chemin pour le bonheur.
Je vous demande pardon : L’impossibilité de recevoir les sacrements, pour les personnes divorcées engagées dans une nouvelle union, est devenue une exclusion. C’est et cela doit être un appel à vous accueillir avec plus de charité.
Humblement, la communauté catholique veut vous inclure dans son chemin de miséricorde. Après avoir beaucoup réfléchi, réuni deux synodes mondiaux, le Pape François nous demande de choisir la logique de l’intégration :
« Il s’agit d’intégrer tout le monde, on doit aider chacun à trouver sa propre manière de faire partie de la communauté ecclésiale, pour qu’il se sente objet d’une miséricorde ‘imméritée, inconditionnelle et gratuite’. Personne ne peut être condamné pour toujours, parce que ce n’est pas la logique de l’Evangile » (Amoris Laetitia n° 297).
Le Pape ne change pas l’idéal chrétien. Il ne le peut pas. Il ne le veut pas. Le mariage reste le mariage. Il écrit : «la loi est un don de Dieu qui indique un chemin, un don pour tous sans exception qu’on peut vivre par la force de la grâce » (n° 295). Cependant, votre chemin demeure un chemin de baptisés appelés à la sainteté, comme le mien. C’est un appel à la conversion joyeuse, à une vie toujours plus unie au Christ, non à une perfection illusoire. C’est ce chemin de croissance que l’on appelle la « gradualité ».
Avec le Pape, avec la communauté catholique, je vous invite à célébrer l’appel à la sainteté en la fête de la Toussaint, mardi 1er novembre à 15h30 à la cathédrale. Nous passerons la porte de la miséricorde ensemble et nous prierons les vêpres. Nous rendrons grâce pour vos vies, pour tout l’amour qu’elles comportent. Je vous bénirai au nom de Dieu.
Nous prierons dans la grande joie des enfants d’une même famille réunie. Vous hésitez à venir ? Dites-vous qu’il y a une place pour vous dans la cathédrale, dans l’Eglise. Mais je ne vous en voudrais pas si vous n’y êtes pas. Je vous attendrai simplement et prierai pour vous.
J’espère que cela sera un nouveau départ et un encouragement.

Des personnes divorcées ou séparées demeurent dans une remarquable fidélité à leur conjoint. Nourries par les sacrements, elles continuent de vivre leur mariage avec audace et courage. C’est un précieux témoignage.
Des personnes divorcées vivant une nouvelle union participent aussi à la vie de nos communautés, sans communier au sacrement de l’Eucharistie. Je les remercie beaucoup. Elles sont souvent discrètes. Parfois, elles sont inquiètes, se demandent si elles font bien. D’autres ont décidé en conscience de communier. Elles s’interrogent aussi : qu’en pense la communauté, le prêtre ? Est-ce juste ?
Chaque situation, chaque chemin demande un discernement. Le Pape envisage que ce discernement permette de recevoir les sacrements, s’il n’y a pas de faute grave. Des « conditionnements » ou des « circonstances » atténuent la responsabilité (n° 301/2).
Le Pape invite à prendre le temps du discernement. Je souhaite que ce 1er novembre soit une étape pour un nouveau chemin. N’allons pas trop vite … ni trop lentement.
En cette année de la miséricorde, je nomme sept prêtres missionnaires de la miséricorde pour vous accueillir spécialement. Avec eux, vous pourrez examiner en toute discrétion votre conscience grâce à la Parole de Dieu. Les missionnaires écouteront vos questions. Ils vous transmettront celles du Pape (cf. n° 300).
Il faudra bien deux ou trois rencontres avec l’un des missionnaires pour débuter le chemin. Puis, vous pourrez, avec son accord, voir le chemin à accomplir avec votre communauté paroissiale. Chaque cas est particulier, dit le Pape. Certains parmi vous ont peut-être déjà fait une bonne partie du chemin. Je m’en réjouis.
En la fête de la Toussaint, je prierai pour vous et, j’espère, avec vous. En attendant, soyez assurés de mon amitié.
 DOMINIQUE LEBRUN Archevêque de Rouen.