Thème de la rencontre : Se sentir coupable
Avant Propos : la revue peut aussi être une source d’idées pour vous, animateurs.
Situation du thème
Avoir le sentiment de ne pas être à la hauteur, porter le poids de ce qui peut paraître une faute sans ne plus rien y pouvoir, ne pas correspondre à l’image que l’on se fait de soi-même, c’est tout cela qui est important de partager au cours de cette rencontre.
Présentation du thème
La culpabilité est au coeur de chacun. C’et une question difficile car le propos de la culpabilité est de nous faire tourner en rond. Elle touche au regard que nous portons sur nous-mêmes, et à la façon dont nous voyons et vivons notre rapport avec les autres. Elle nous habite dans cette zone trouble de nous-même que bous n’arrivons pas à maîtriser. Cela nous fait souvent confondre culpabilité et péché.
Quelques questions pour échanger
– Est-ce que je me sens habité par un sentiment de culpabilité, comme un juge intérieur qui me condamnerait?
-Qui me condamne? Moi-même, une autre personne, l’Eglise, Dieu?
– A quoi est-ce que j’impute ce sentiments de culpabilité?
– Qu’est-ce que j’ai déjà entrepris pour en sortir?
Autour des Écritures
Jean7, 53-8, 11: Je ne te condamne pas
Pour aller plus loin
– « Que ton règne vienne » du Père Besnard.
– « Rentrer chez Dieu » de Robert Lebel.
– « Le dur chemin du pardon » d’Albert Rouet
Que ton règne vienne
Du fond de l’abîme, le mien et celui de tous les hommes mes frères, je crie vers toi Seigneur, Père. Misère je suis, Miséricorde est ton nom,. Dans l’attente de toi, ma douleur et ma joie, aide-moi à reconnaître tes passages, ouvre en moi une capacité d’écoute. Miséricorde est ton nom.
Tout mon désir et devant toi, pour toi mon soupir n’est point caché, guéris mon regard, ouvre mes oreilles, rends la parole ) mes lèvres muettes: Miséricorde est ton nom.
Je sens toute ma pauvreté, tu connais ma misère, et pourtant tu m’appelles. Ta fidélité est ma source, en elle est ma force et ma joie.Miséricorde est ton nom.
Conduis-moi sur le chemin de l’abandon, et moi, sans relâche, espérant, je sais que je peux compter sur Toi.
Viens me prendre par la main pour me guider vers Toi.
Notre Père, que ton règne vienne, Miséricorde est ton nom !
Albert-Marie Besnard
in Écoute Seigneur ma prière, DDB, 1988.
Rentrer chez ton Dieu…
Rentrer chez Dieu comme on rentre chez soi, au bout de chaque jour, au bout de nos voyages, et trouver près de Lui le repos de son coeur. Apprendre auprès de Lui ce que veut dire Aimer, et rallumer ce feu qu’il est venu répandre. Savoir lui dire merci, et demander pardon, et l’embrasser sans crainte à la face du monde !
Chercher dans son regard à se perdre sans fin…silence bienheureux des gens simples qui se comprennent. Tristesse et joie de l’âme, angoisse et espérance, passions et inquiétudes…
Tout, tout passe dans nos yeux. Il sait tout, c’est vrai : il voit tout, pourtant… IL attend que nos coeurs se posent dans le sien.
Rentrer chez Dieu comme on rentre chez soi, fatigués, consumés, mais capables d’aimer. Être là. Juste être là. Laisser tomber ses bras… et puis se laisser prendre quand il ouvre les siens.
Je t’aime, Dieu, je t’aime, plus loin que tout amour, plus fort que toute faute ; et je me sais aimé, non pas tout seul, non, mais bien avec tous ceux et celles que tu m’as confiés. Ils sont là, à mes côtés, et je te les apporte : qu’ils entrent, eux aussi, auprès de toi, comme on rentre chez soi…
Robert Lebel
Le dur chemin du pardon
La culpabilité se présente sous deux formes. Elle provient de ce que nul ne correspond à l’image de celui qu’il voudrait être. Il existe une distance entre ce que je suis réellement et l’idée que je me fais de moi, ou que les autres, pense-t-on, se font de nous.Personne ne coïncide avec son image idéale. Il faut donc vivre avec cette distance. Mais – et voilà l’important- ce fait apparaît comme une « négligence » ; c’est là le premier sens de la faute (culpa), d’où vient la culpabilité : on s’en veut de ne pas être celui qu’on devrait être !
Cette culpabilité intérieure peut prendre une double valeur. Ou bien elle reconnaît positivement un état de fait, et alors je vis le fait de ne pas coïncider avec ce que je désire être comme l’espace nécessaire pour progresser, pour me libérer : elle est alors un bien ; c’est la conscience heureuse. Du bien je la vis comme une peine ou un délit, et alors cela entraîne le regret et le refus de moi ; c’est ce qu’on appelle la conscience malheureuse. La même réalité peut donc conduire à une culpabilité positive comme une culpabilité négative. Dans le deuxième cas, elle pèse sur la personne qui ne reconnaît pas cette distance de soi à soi, la refuse ou la rejette.
Notre regard vers les autres est éclairé par cette relation que nous avons avec nous-mêmes. Nous envisageons le plus souvent la capacité d’évolution des autres à partir de la marge que nous nous accordons nous-mêmes. Si l’on est dur avec soi-même, cela nous conduit à être inflexible avec les autres. Et donc, avant de parler le pardon envers les autres, il faudrait d’abord commencer par envisager le pardon que nous nous accordons à nous-mêmes. Mais qui s’en rend compte?
Le mal que nous faisons aux autres
Mais il y a aussi une culpabilité extérieure. Elle concerne le mal que nous faisons aux autres, que ce soit u mal direct par un acte qui blesse, ou un mal indirect par un bien qu’on n’a pas fait. La description est ici plus simple. La difficulté principale découle de ce que ces deux formes de culpabilité, en générale, se conjuguent : on s’en veut d’avoir négligé d’accomplir envers l’autre quelque chose que notre image idéale nous dit que nous aurions dû faire. C’est le cercle vicieux par excellence où se mêlent remords, impuissance et reproches. Car on finit par critiquer l’autre de n’avoir pas pu soi-même faire le bien qu’on aurait dû lui faire. L’écheveau est inextricable et fait cruellement souffrir, d’autant p)lus que le passé ne se réécrit pas…
Un labyrinthe inextricable
Dans ce cadre, le pardon apparaît impossible, et même parfois injuste. Il est en effet assez évident que pardonner ne consiste pas à oublier,. Mais se souvenir de ce qui a été vécu, ça porte exactement sur quoi? Sur les torts de l’autre, sur ses négligences? Est-ce en fait une arme pour se justifier de l’attaquer en ressassant le mal subi et donné ou bien une épée retournée contre soi? En fait, la culpabilité emprisonne la mémoire que l’on a de ce qui s’est passé, et entraîne le plus souvent le refus d’oublier, ou bien la dureté car on se fixe sur les torts de l’autre, ou bien encore la justification de ce que l’on a fait. La mémoire écrit une histoire officielle au coeur de laquelle circulent des doutes refoulés et des peurs. Cela rétrécit sérieusement le champ de ce que l’on veut garder comme souvenirs. Comment le pardon peut-il trouver sa place dans ce labyrinthe?
Le pardon, un acte d’espérance
Qu’il soit bien clair que le pardon ne vise pas d’abord ke passé mais l’avenir. Il est acte d’espérance. Le passé ne s’efface pas. Souvent on veut le fuir ou le transformer, mais cela n’y change rien.
Le fait de par-donner reconnaît au contraire l’existence de ce passé avec tous ces mélanges de culpabilité. Le vrai problème est de savoir si le passé emprisonne définitivement l’avenir en nous faisant toujours revivre la même histoire. Cette question est souvent posée trop tard : on s’enferme dans la répétition !
Par-donner, c’est donner par-dessus ; c’est donc introduire un autre élément dans une histoire connue. Le pardon vient d’ailleurs, car il vient de la conviction qu’un à-venir peut modifier les choses. Le pardon, en fait, en appelle à « un autre » qui justement voit la situation avec un oeil différent, un oeil de résurrection. Il délivre alors de l’enfermement de la culpabilité. C’est un autre qui lit en moi autre chose que ce que j’y lis. Ainsi, la distance dont nous parlions tout à l’heure entre ce que l’on est et l’image que l’on a de soi devient un espace de rencontre. Le passé si lourd devient lieu de naissance. Il reste le passé, mon histoire, mais une histoire inachevée où « un autre » relance la liberté du départ. La fatalité disparaît.
Le pardon, ainsi , libère et ouvre à une culpabilité libérante car, en fait, on ne reconnaît ses propres négligences que quand il y a pardon. Dieu n’a de chacun qu’une vue d’espérance.
Albert Rouet, évêque de Poitiers
in Chemin d’espérance, n°9, janvier 1997