Notre contribution au Synode

Contribution envoyée par l’intermédiaire de la Conférence des évêques de France

L’Association Chrétiens Divorcés, Chemins d’Espérance a pour but de créer, animer, gérer au sein de l’Église Catholique, dans l’esprit de l’Évangile et d’Amoris Laetitia un cadre d’accueil et de rencontre pour les personnes concernées par la séparation, le divorce, une nouvelle union.

Les membres de l’Association ont lu avec intérêt l’ensemble du compte-rendu de la première session, à laquelle ils avaient apporté leur contribution (disponible en copie). Ils souhaitent prolonger la réflexion, en vue de la deuxième session, en octobre 2024, dans les domaines qui rejoignent l’action de leur association.

  1. §3. Entrer dans une communauté de foi : l’initiation chrétienne … Questions à traiter :

« La maturation du sensus fidei exige non seulement d’avoir reçu le Baptême, mais aussi de développer la grâce du sacrement dans une vie de disciple authentique, qui permet de discerner l’action de l’Esprit … Il s’agit d’un sujet à approfondir par une réflexion théologique adéquate… »

Ce discernement de tous les fidèles nous semble être une question essentielle dans le monde d’aujourd’hui. Il est à faire en particulier pour ce qui concerne la théologie et la pratique du sacrement de mariage. En fait la doctrine de l’Église en ce qui concerne les divorcés en seconde union n’est plus comprise en Occident ; notamment l’exclusion des sacrements de la Réconciliation et de l’Eucharistie, sacrements pour la route, destinés à tous. Cela provoque beaucoup d’incompréhension et de rejet de l’Église. Nous appelons l’Église à travailler cette question aux plans théologique, sacramentel, moraliste, liturgique et canonique, en comparant les pratiques, notamment celles des Églises protestante et orthodoxe.

Les clés pour opérer ce discernement sont à élaborer par une réflexion multidisciplinaire.

Enfin, il nous semble essentiel que l’Église n’en reste pas au niveau de la réflexion, mais que le discernement opéré se traduise rapidement par des gestes concrets et significatifs pour l’ensemble des personnes concernées.

2. §16  En vue d’une Église qui écoute et accompagne – Point H

« De différentes manières, les personnes qui se sentent marginalisées ou exclues de l’Église en raison de leur situation matrimoniale, de leur identité et de leur sexualité demandent à leur tour à être entendues et accompagnées, et à ce que leur dignité soit défendue. Au cours de l’Assemblée, nous avons perçu un profond sentiment d’amour, de miséricorde et de compassion à l’égard des personnes qui sont ou se sentent blessées ou négligées par l’Église, qui aspirent à trouver un endroit où rentrer « chez elles » et où elles peuvent se sentir en sécurité, être écoutées et respectées, sans craindre d’être jugées. L’écoute est une condition préalable pour marcher ensemble à la recherche de la volonté de Dieu. L’Assemblée réaffirme que les chrétiens ne peuvent pas manquer de respect à la dignité de qui que ce soit. »

Les Exhortations apostoliques Evangelii Gaudium et Amoris Laetitia, le rescrit pontifical inscrit aux « Acta Apostolicae Sedis » qui confirme l’interprétation d’Amoris Laetitia, et la récente réponse du Pape à des dubia, ont mis en valeur les trois verbes « accompagner, discerner et intégrer » qui résument bien ce paragraphe du compte-rendu de la première session. Nous reprenons cette demande formulée par le Pape : « Je souhaite ardemment que ce premier document soit suivi le plus rapidement possible d’un autre, qui indiquera des méthodes pastorales concrètes et d’éventuels itinéraires d’accompagnement spécifiquement consacrés aux couples qui ont vécu l’échec de leur mariage et vivent une nouvelle union ou sont civilement remariés ».

Nous proposons :

  • Que chaque diocèse nomme, au sein de la Pastorale des Familles, une équipe idéalement composée de clercs et de laïcs formés en charge de l’accompagnement des personnes séparées, divorcées, divorcées en seconde union, afin de créer des groupes de partage – de reconstruction – et de discernement en vue d’une éventuelle réintégration sacramentelle et communautaire.
  • Qu’il produise des documents pour les accompagnateurs et pour les personnes accompagnées.
  • Qu’il favorise la connaissance d’Amoris Laetitia et organise des formations communes aux clercs et aux laïcs concernant l’accueil, l’écoute, la gestion de groupes, l’accompagnement pastoral et spirituel… (ceci devrait être fait aussi dans les séminaires).

L’existence de cet accompagnement ne devrait pas être l’apanage de petits groupes isolés, animés quasi exclusivement par des laïcs hors de structures paroissiales. Les curés et clercs pratiquent cet accompagnement, éventuellement au niveau paroissial, mais dans la discrétion. Les Évêques sont souvent réticents. Les équipes d’accompagnement devraient être composées de clercs et de laïcs, ces derniers notamment eux-mêmes concernés de près ou de loin par le divorce, chacun apportant son regard, son charisme et sa spécificité propre. Il s’agit que cela devienne un véritable projet communautaire et synodal dans une coresponsabilité différenciée.

Deux expériences d’accompagnement « synodal et collégial »

1 – Dans le Val d’Oise :

Des groupes de personnes divorcées accompagnés par des laïcs existaient depuis longtemps dans le Val d’Oise. A son arrivée dans le diocèse, l’Évêque, Mgr Lalanne, a accueilli lors de vêpres 200 personnes concernées par cette pastorale, a créé des formations à Amoris Laetitia, a réalisé un document d’accompagnement, a nommé 12 prêtres ou diacres pour cette mission et a donné des indications claires sur la mise en application du chapitre 8

           à tous les prêtres. Un petit feuillet d’information a été remis aux paroissiens.

Plusieurs couples ont bénéficié du parcours suivi d’une réintégration sacramentelle

Plusieurs aussi ont été accompagnés pour préparer un temps de prière ou de bénédiction.

Chaque année une retraite spirituelle accueille toutes les personnes concernées.

Mais les formations doivent être poursuivies pour renouveler les accompagnateurs et maintenir active « la conversion missionnaire ».

2 – À St Ignace à Paris

Il existe diverses approches d’accompagnement : des groupes de partage pour personnes séparées-divorcées, des chemins de discernement pour personnes en seconde union, pouvant éventuellement conduire à une réintégration sacramentelle et communautaire, une préparation à un temps de prière à l’occasion d’un remariage civil.

L’accompagnement est fait par deux personnes qui travaillent en étroite collaboration : un clerc, jésuite, compétent en accompagnement spirituel et en psychologie, une laïque divorcée ayant traversé l’épreuve du divorce : soit un homme, une femme, un clerc, une laïque, chacun avec ses compétences spécifiques. Ce double regard qui est parfois différent mais complémentaire s’avère très riche pour les accompagnés comme pour les accompagnateurs. Il n’y a pas de position en surplomb, pas de jugement, un accueil inconditionnel de ce qui peut se dire, un très profond respect de chaque personne, ce qui libère la parole et permet à chacun d’avancer selon son rythme et de former sa conscience au for interne. C’est le groupe lui-même qui crée son chemin, s’entraide, se soutient, éveille l’un ou l’autre à sa vérité profonde.

Cette approche est nécessairement peu répandue car elle nécessite une grande disponibilité de la part de clercs. Qualifions-la de synodale car elle emprunte un certain nombre de procédures mises en place à Rome en Octobre dernier. Il s’agit bien pour ces personnes de traverser l’épreuve du divorce, de se reconstruire et de le faire sous le regard miséricordieux du Christ, souvent de redécouvrir la Foi et de vivre une expérience d’Église non moralisatrice mais accueillante et bienveillante. Sans l’accompagnement d’un ou une laïque étant passé par cette épreuve, la présence seule d’un clerc ne permettrait probablement pas la liberté de parole. Et la présence seule d’une personne laïque pourrait jeter un doute sur l’accueil de l’Église tout entière.

D’autre part cet accompagnement se fait aussi nécessairement par l’accueil de toute la communauté pastorale, lors de messes dominicales par exemple. Mais aussi bien évidemment par l’accord et le soutien du Pasteur à un tel accompagnement ainsi que celui de l’Évêque, qui sont in fine sollicités dans le cas d’une éventuelle réintégration sacramentelle.

On le constate donc :  l’accompagnement des personnes séparées, divorcées ou en seconde union pourrait être une expérience synodale, au niveau paroissial et diocésain, favorisant à la fois l’éveil au for interne et le discernement pastoral dans une complémentarité à égalité clercs/laïcs. Et ceux qui le pratiquent en voient joyeusement les fruits : un relèvement progressif après le tsunami du divorce, le retour de la paix du cœur, un renouveau de la foi et de la vie en Église, une confiance retrouvée dans un avenir possible.